Bonjour Arnaud
merci pour ce lien très intéressant.
Augusto Marinoni y montre que De Vinci passait son temps à chercher des quadratures, de façon très précise :
Ce but lui a été indiqué par L. B. Alberti, qui dans De lunularum quadratura déclare que la quadrature du cercle est possible — du moment que l'on réussit à carrer les lunules — à condition qu'il y ait des « investigateurs scrupuleux ». Léonard se consacre intensément à cette recherche, et très rapidement, le 30 novembre 1504, il a atteint son but : « La nuit de saint André, j'ai trouvé la fin de la quadrature du cercle. Et à la fin de la lumière (chandelle) et de la nuit et du papier sur lequel j'écrivais, [ce] fut terminé. A la fin de l'heure. »5 Est-ce une illusion ? Dans un premier moment, j'ai pensé
moi aussi, que Léonard se trompait. Mais à présent, je dirai qu'il y eut là un grand moment dans la vie de Léonard et qu'il l'a suggéré en soulignant simplement par quelle surprenante coïncidence tant de choses atteignaient simultanément leur point final : la nuit, la lumière, l'heure, le papier (et le lecteur ne peut pas échapper à l'impression qu'une force extérieure conduit la pensée de Léonard à son but). Léonard part d'une critique insistante, et d'ailleurs injuste, de la solution d'Archimède, qu'il ne connaît pas avec exactitude. Il sait seulement que la formule 22/7 dérive de la division de la circonférence en 96 parts, correspondantes aux 96 sommets du polygone inscrit. (On ne peut pas dire qu'il ait connaissance d'un élément très important dans la pensée d'Archimède : les polygones circonscrits). Il cherche donc des valeurs plus approchées et propose de poursuivre la division à mille, trois mille, six mille parties, jusqu'à un million de parties ; il faut savoir que dans le vocabulaire de Léonard « milione » est le terme le plus élevé dans la série des nombres et en disant un million, il dit pratiquement l'infini et conçoit la circonférence comme étant composée de points infinis, à chacun desquels correspond un secteur du cercle et un triangle isocèle dont le sommet se trouve au centre du cercle et dont la base est le côté d'un polygone à côtés infinis. Alors, dit Léonard, la différence entre l'arc du secteur et la base du triangle est en ce cas une « quantité insensible (imperceptible) de grandeur voisine du point mathématique » (AH. 117 v.a), c'est-à -dire de rien; en d'autres termes, on tend vers zéro, ou bien, comme dira Leibnitz, un point ajouté à une ligne n'altère pas sa longueur, ou encore, comme dira Newton, les limites contenant un facteur infinitésimal peuvent être considérées
comme un rien par rapport aux autres.
Il est absolument stupéfiant que 1' « homme sans lettres », qui depuis peu a appris, grâce à Pacioli, à multiplier deux fractions entre elles et qui vient à peine de s'expliquer tout seul une partie d'Euclide, ait tout à coup saisi le principe du calcul infinitésimal, dont il ne peut créer les instruments et qui affirme des concepts qui seront énoncés deux siècles plus tard par les créateurs de ce calcul. La méthode que j'ai suivie pour reconstituer l'éducation littéraire et scientifique de Léonard qui a commencé au moment où il a décidé de devenir un auteur de traités d'art et de science, n'a pas seulement
mené à découvrir les limites de la préparation culturelle acquise par lui dans sa jeunesse ; elle a également révélé, avec des nouvelles preuves à l'appui, la grandeur de son génie.
Pratiquement jusqu'à sa mort, Léonard a continué à « carrer » des cercles, des lunules et des surfaces courbes. Au cours des années 1514-1516, il travaille tout particulièrement à un sujet qu'il qualifiait de « ludo geometrico ». Un exercice fondamental de ce jeu consiste à inscrire un carré ou un hexagone dans un cercle.
Mais au delà de cette précision, Léonard de Vinci recherchait des astuces géométriques afin de signifier ou représenter des valeurs approchées des nombres.
Le problème des racines « sourdes » et plus particulièrement celui de la duplication du cube, appelé également problème de Délos, a beaucoup préoccupé Léonard. Dans un premier temps, il estime que la solution du problème est aisée. Si l'arrête du cube mesure 4 brasses (volume 46), il dit que l'arête du cube doublé (volume 128) mesurera 5 et une toute petite quantité en plus qui, je cite, « con comodità si fa e con difficulté si dice » (AU. 58 ra) ; voilà une affirmation digne d'un homme pratique, d'un ingénieur qui admet certaines tolérances (pour nous la racine cubique de 128 est 5,03968), mais qui ne peut être acceptée par un mathématicien.
Et finalement on ne peut qu'être frappé par la similitude de triangles comptant cercles intérieurs et extérieurs dans son Homme de Vitruve et celle de ses derniers dessins comme ce triangle inversé là :