Caroubier ou Nedjem ( En ancien Egyptien)
Publié : 05 Nov 2021, 00:56
Le caroubier est un arbre éveilleur !
Mais sur quoi donc le Caroubier veille-t-il?
Quel secret garde- t-il ?
D'abord un conte Juif le met merveilleusement sur scène, écoutons bien!
Au temps jadis vivait, en terre sainte, un homme pieux, le savant Honi. Les gens révéraient sa sainteté et D.ieu, qui l’aimait, Lui aussi, exauçait tous ses vœux, écoutait chacune de ses prières. Une année, une grande sécheresse s’abattit sur le pays. Le ciel restait clair, pas la moindre goutte de pluie ne venait rafraîchir le sol aride.
“ Que va-t-il advenir de nous ? » se lamentaient les Juifs. Si cela continue, le blé ne lèvera pas et nous mourrons tous de faim.
Emplis de crainte et de désarroi, ils se rendirent chez Honi :«
« Honi ! » s’écrièrent-ils, « toi seul peux nous sauver. Demande à D.ieu de nous envoyer la pluie ».
Honi acquiesça d’un signe de tête et sortit dans la rue. A l’aide d’un bâton, il dessina dans la poussière un cercle et, se plaçant en son centre, il s’exclama :«
« Seigneur ! Sache que je ne quitterai pas ce cercle, que la pluie ne soit venue l’effacer. Je Te prie de la faire tomber et de ne pas laisser Ton peuple dans la détresse. «
A peine Honi avait-il fini de parler que des nuages dans le ciel vinrent masquer le soleil brûlant. Un vent violent se leva et, avant que quiconque ait pu réagir, une pluie torrentielle se mit à tomber. Honi regarda le cercle qu’il avait tracé sur le sol s’effacer sous l’ondée et, lorsqu’il eut complètement disparu, il retourna chez lui, satisfait. A partir de ce jour, les gens ne l’appelèrent plus autrement que Hameagel, ce qui signifie « Celui qui dessine des cercles », et la renommée de Honi ne cessa de grandir.
Après l’averse, la terre se mit à revivre. Les champs et les jardins verdoyèrent, l’air s’emplit de parfums et l’on eût dit que les gens eux-mêmes s’épanouissaient : ils recommençaient à rire et leurs chants s’élevaient de nouveau dans le pays. Un matin, Honi monta sur son âne afin d’aller admirer la campagne. Il se trouvait déjà fort loin de la ville lorsqu’il aperçut un vieux paysan qui plantait un arbuste.
“La paix soit avec toi, noble vieillard » , dit Honi en le saluant. « Quel arbre plantes-tu là ? »
“- Un caroubier, qui nous donne son pain » , répondit le vieil homme.
«- Et dans combien de temps se montreront les premier fruits ? »
«- Dans 70 ans. »
Après un instant de réflexion, Honi reprit :
«- J’apprécie, certes, ton travail, mais je ne le comprends point. Nous ne savons même pas ce qu’aujourd’hui nous réserve, et toi, tu t’occupes de demain. Pourquoi te donner tant de mal ? »
«- Je ne suis pas aussi savant que toi, répondit le vieillard, et ma réponse est simple : je ne fais que répéter après mes ancêtres une chose qu’ils faisaient et que je trouve bonne. Les arbres qu’ils ont plantés m’offrent encore des fruits, c’est pourquoi je plante à mon tour des arbres qui, un jour, réjouiront mes petits-enfants. »
« D.ieu seul sait si tu as raison, lui dit Honi, mais une chose est sûre : tu as déjà suffisamment travaillé dans ta vie. Il ne te reste pas beaucoup d’années, tu ferais donc mieux de te reposer. »
Sur ces mots, Honi prit congé du vieillard et poursuivit son chemin. Il était juste midi. Comme il avait grand faim, Honi prit son fouet et mena son âne vers une caverne rocheuse qui se trouvait à proximité et dont l’ombre semblait l’inviter au repos. Il attacha l’animal au-dehors et alla s’asseoir seul à l’intérieur de la caverne. Au moment où il sortait le pain de sa sacoche, son corps fut pris d’une grande faiblesse, telle qu’il n’en avait pas encore jamais ressentie. Ses mains et ses pieds s’alourdirent, comme si d’énormes pierres les eussent plaqués au sol, ses yeux se fermèrent tout seule et Honi, sans même être conscient de ce qui lui arrivait, sombra dans un profond sommeil. Il dormit très longtemps, et ne put ainsi voir l’entrée de la caverne se couvrir d’un lierre touffu, dont les surgeons poussaient de plus en plus vite. Ils arrivèrent bientôt jusqu’à Honi qu’ils encerclèrent de la tête aux pieds dans un filet étanche. L’endroit fut plongé tout entier dans le silence. Un étrange enchantement sépara la caverne du reste du monde et l’esprit du sommeil qui y régnait ne fut troublé ni par les chants des oiseaux ni par le souffle du vent.
Des années s’écoulèrent, personne ne savait où était Honi ni ce qu’il était devenu. Son fils grandit, puis se maria, sa femme mourut, et les amis du savant oublièrent peu à peu son allure et sa voix. D’autres jours se succédèrent, qui devinrent des semaines, des mois, des années, et les gens continuaient de naître et de mourir. Mais Honi ne revenait pas et seuls les rabbins versés dans la sainte doctrine se souvenaient encore de lui.
Un jour enfin, le lierre qui entourait Honi se dessécha. Le filet qui entourait le corps du savant tomba en poussière et celui-ci s’éveilla. Il sortit de la caverne pour retourner en hâte chez lui, mais au lieu de l’âne, il ne trouva plus qu’un petit tas d’os.
«Que s’est-il donc passé ? » pensa-t-il, perplexe.
Jetant un coup d’œil autour de lui, il ne reconnut rien. Sur l’emplacement des champs poussait un bois, sur celui du vignoble s’étendaient des jardins. Il n’y avait nulle part âme qui vive, si ce n’est un homme, un peu plus loin, qui ramassait les fruits d’un grand arbre. S’approchant de lui, Honi s’aperçut que son paier était plein de cosses de caroubes.
«La paix soit avec toi, dit-il en saluant le paysan. « Je vois que tu récoltes le fruit de ton travail. »
L’homme considéra Honi avec étonnement :
« Tu sembles sage, lui dit-il, mais tes paroles sont insensées. Ne sais tu donc pas que le caroubier ne donne des fruits qu’au bout de 70 ans ? Cet arbre a été planté par mon grand-père. Il ne vit plus depuis longtemps et, pourtant, comme tu le vois, son travail n’était pas vain. »
Honi sentit son cœur se serrer.
«J’ai dormi 70 ans ! » pensa-t-il avec effroi. « Que faire maintenant ? A qui vais-je pouvoir m’adresser ? »
Il se dirigea vers la cité où il vivait jadis, mais ne retrouva ni sa maison, ni la rue où elle s’élevait.
«Ne connaissez-vous pas le fils de Honi ? demanda-t-il aux gens. Mais tous secouaient la tête négativement. Enfin, après de longues recherches, il rencontra une vieille femme qui put lui répondre : – « Le fils de Honi est déjà mort, et c’est son fils qui gère son bien. Tu peux aller le voir.»
Honi se fit indiquer le chemin et arriva bientôt à une demeure qu’il reconnut avec peine pour sa maison natale. Un homme de haute stature vint au-devant de lui.
« Que désires-tu ? » s’enquit-il. « Je suis le père de ton père, répondit Honi. Durant 70 ans, je suis resté dans une grotte sous la puissance d’un envoûtement, mais le charme est levé et je reviens chez moi« .
L’homme toisa Honi d’un air soupçonneux : – « Si tu veux un morceau de pain, tu peux le dire sans détours, inutile d’inventer des histoires absurdes, répliqua-t-il sèchement. Attends-moi, je t’apporte quelque chose à manger.«
Honi rougit d’humiliation et ses yeux s’emplirent de larmes. Il se détourna sans mot dire et reprit son chemin. « Mon petit-fils ne me connaît pas, pensait-il amèrement, mais les savants n’auront sans doute pas oublié mon nom. » Jetant un coup d’œil autour de lui, Honi constata qu’il se trouvait justement devant la synagogue. Il y entra et aperçut un groupe de rabbins étudiant les Ecritures :
« Vous qui connaissez la Loi d’Israël , dit-il aux hommes, permettez-moi de me pencher avec vous sur les mystères de l’enseignement divin ! »
Les rabbins accueillirent Honi dans leur cercle et ils poursuivirent ensemble leur étude. Honi les dépassait tous par ses connaissances, personne ne se montrant aussi docte :
« Tu es aussi sage que l’était à son époque Honi Hameagel , dit le rabbin le plus âgé en le louant.
– Mais je suis Honi ! s’écria le savant tout joyeux. Vous ne me reconnaissez donc pas ?”
Les rabbins se détournèrent de lui :
“ Pourquoi ce mensonge ? » firent-ils tristement. « Ton savoir ne te suffit pas.
Alors, Honi quitta les lieux encore plus affligé qu’il n’y était entré. Il erra dans les rues, à la recherche de ses amis et de ses connaissances, mais tous étaient morts depuis longtemps. Les gens passaient à côté de lui indifférents, il ne se trouvait personne pour le saluer ou le convier à sa table. Honi se retrouvait seul, plus solitaire qu’un étranger perdu dans quelque pays lointain.
« Si je ne connais personne et si personne ne me connaît, soupira-t-il tristement, à quoi me sert mon savoir ? Le vieillard qui plantait le caroubier pour ses petits-fils était bien plus heureux. Il vit à présent dans leur mémoire, ils se souviennent de lui avec amour. Mais moi, je suis parfaitement inutile. Mon petit-fils ne me reconnaît pas, et les savants me prennent pour un imposteur. Pourquoi donc, Seigneur, continuerais-je à vivre ?”
Soudain, Honi ressentit une grande fatigue et eut envie de se reposer. Il sortit de la cité et marcha sans arrêt, jusqu’à ce qu’il retrouvât le rocher connu. Pénétrant dans la caverne, il s’étendit sur la terre, épuisé, et mourut. Ainsi, D.ieu avait-il exaucé son dernier vœu, et le lierre qui cacha le corps de Honi, plus jamais ne disparut de la caverne.
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Source Contes juifs racontés par Leo Pavlat – Editions Gründ Lien vers la source : https://louyehi.wordpress.com/category/ ... tes-juifs/
Emmanuel Fernbach –
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Le caroubier nous réveille !